Petición sin demasiada esperanza




Olvidando en mi pecho la fuerza de tus formas
toda una noche, sí, quisiera que durmieses,
y soñara conmigo, querido cuerpo laxo,
tu alma simple al errar por el tiempo aquietado.
Feliz entre mis brazos, te soñarías en ellos,
y creyendo atraparme, no obstante me tendrías,
y contra mí estrechándote, no reconocerías
bebiendo tus suspiros, mi presencia en tus brazos.
Te haría tu deseo ciego dos veces mía,
yo te repetiría cada palabra dicha
por tu labio dormido apenas murmurada
que parece extenderse sin fin como una ola,
que al verterse mis lágrimas sobre tu tierno párpado
tal vez en pleno sueño de amor te despertaran,
y uno solo seríamos, en la sombra, hasta el alba...

***

La vœu sans trop d'espoir


Oubliant sur mon cœur la force de tes formes
Ô que toute une nuit, je voudrais que te dormes,
Et que rêve de moi, cher corps tout détendu,
Ton âme simple errant dans le temps suspendu.
Heureuse entre mes bras, tu songerais d'y être,
Et croyant me saisir, pourtant tu me tiendrais,
Et tu te presserais à moi sans reconnaître,
Respirant tes soupirs, ma présence aux bras vrais.
Ton aveugle désir te ferait deux fois mienne,
Et je te redirais chaque mot qui te vienne
Par ta lèvre dormante à peine murmuré,
Vivant un tel bonheur calme et transfiguré
Qui semble à l'infini comme une onde s'étendre,
Que mes larmes tombant sur ta paupière tendre
T'éveilleraient peut-être en plein songe d'amour, 
Et nous serions un seul, dans l'ombre, jusqu'au jour...

Paul Valéry (1871–1945), de Corona y Coronilla (2009, tr. Jesús Munárriz)

Comentarios